lundi 30 mai 2016

A propos de la loi travail : il faut trouver une issue honorable pour tous

Reprenons les choses par le commencement de cette pénible affaire et reconnaissons que le gouvernement avait entamé cette réforme de la pire manière qui soit avec la 1ère version du projet. Un projet incroyable tellement il était inacceptable, sur la forme comme sur le fond. J'y reviens encore car, d'une certaine manière, on paye encore, 4 mois après, et au prix fort, cette épouvantable entame.
Vint ensuite, la 2ème version, beaucoup plus acceptable mais encore bien perfectible.
Mais puisque j'en suis aux critiques du pouvoir, je veux redire un mot de l'emploi de l'article 49 alinéa 3 de la constitution. Cette disposition est une disposition non pas « antidémocratique » puisqu'elle relève d'une constitution adoptée par le peuple, mais « antiparlementaire » au sens où elle restreint les droits du Parlement. Elle est donc dure à « avaler » pour un parlementaire de culture parlementariste comme moi. Comme je ne veux pas être que sévère avec le Gouvernement qui, de fait, était coincé par l'absence de majorité sur son texte, je veux surtout insister sur une des conséquences du 49.3 dont on ne parle pas parce qu'on s'arrête à l'écume des choses : il a empêché les parlementaires autour de leur remarquable rapporteur Christophe SIRUGUE, d'aller au bout de leur travail d'étude, de débat, et d'amendement, notamment … sur le fameux article 2. J'y reviendrai.
Voilà pour le passé. Venons-en au présent.
Le texte qui va être maintenant débattu au Sénat, non seulement n'a plus grand chose à voir avec la 1ère version, mais a même singulièrement enrichi la seconde.
Ce texte n'est-il, comme le disent certains, qu'un texte de « régression sociale » ?
Franchement, c'est difficile à soutenir.
Car peut-on passer par pertes et profits l'apport du Compte personnel d'activité, fondement majeur de ce que certains espéraient depuis longtemps, « la sécurité sociale professionnelle » ?
Peut-on oublier la généralisation de la « Garantie-jeunes », la protection renforcée des femmes de retour en activité après une maternité, la lutte contre le sexisme en entreprise, celle, plus efficace, contre les travailleurs détachés ??
Eh oui, tout cela est dans le texte ! Mais personne n'en parle …
Car on ne parle que d'une chose, sur laquelle tout le débat s'est cristallisé depuis plusieurs mois, la fameuse « inversion de la hiérarchie des normes » prévue à l'article 2. Inversion selon laquelle un accord d'entreprise l'emporterait sur un accord de branche. Soit.
Mais les mots ont un sens : le Code du travail garde la loi comme norme supérieure ! La loi reste supérieure, en général, à l'accord d'entreprise !
Mais c'est vrai que la loi édicte des exceptions sur le rapport « accord de branche / accord d'entreprise », notamment pour l'organisation du travail (temps de travail, congés, heures sup. etc …). Soit.
Mais ça n'est pas nouveau !!
Ces exceptions existaient déjà !! Depuis des lois de 2004 et 2008 pour être précis. Sans qu'aucune organisation syndicale, à l'époque ne crie à la trahison ni ne cherche à bloquer les ports, les gares ou les aéroports …
A l'époque, ce qui avait choqué le plus les syndicats de salariés et la Gauche, c'était que ces accords d'entreprise pouvaient être minoritaires (être adoptés par un accord ratifié par les syndicats représentant seulement 30 % des salariés), c'était effectivement choquant.
Eh bien, savez-vous que le projet d'aujourd'hui, la fameuse « loi EL KHOMRI » interdit désormais les accords minoritaires ? Que ce seuil de 30 % y est porté aux 50 % normaux en démocratie ?? Et ça serait une régression sociale ?
Je ne m'étendrai pas sur l'argument largement diffusé selon lequel ce texte « faciliterait les licenciements » en évaluant les difficultés des multinationales sur le seul territoire français, puisque cette disposition a été retirée du texte. Mais c'est bien l'une des nombreuses manifestations du fait que le débat reste pourri par la 1ère version : Même quand ça a changé, on y revient … Une certaine mauvaise foi des opposants répondant à la détestable erreur du gouvernement.
J'arrête sur le présent texte pour regarder l'avenir.
Et maintenant, comment fait-on ?
Mon avis de parlementaire de la République et de militant politique est qu'il faut se prévenir de deux écueils : retirer le texte n'est pas envisageable d'abord, car ce serait faire le deuil de toute autorité de l'Etat, de tout respect de ce qui reste des mécanismes de la démocratie parlementaire et … de tous les apports de ce texte, rappelé plus haut sans oublier l'engagement des syndicats « réformistes » qu'on ne peut laisser au bord de la route ; mais le pourrissement, l'épreuve de forces avec les syndicats encore mobilisés n'est pas plus envisageable car la République n'a rien à gagner à faire durer cette période porteuse de tant de violence de moins en moins rentrée, tandis que, même si l'on est en profond désaccord, les organisations syndicales de salariés sont respectables et utiles. La CGT et FO sont des composables respectables et estimables du mouvement ouvrier français et de son histoire.
Il faut donc trouver une porte de sortie, honorable pour tous. Et pour cela, il faut commencer par se parler, je le répète et j'y insiste, dans le respect mutuel. Avec, j'ose le dire, le sens des responsabilités, c'est-à-dire le sens de l'intérêt général.
Nous sommes un certain nombre – à commencer par Christophe SIRUGUE pour qui je n'ai qu'estime, respect et amitié – à avoir des idées précises et concrètes sur le contenu de ce « compromis honorable » qui est la seule porte de sortie possible car jamais, en démocratie, le compromis n'est compromission.
Mais plutôt que de jouer au jeu des positionnements comme le font les trop nombreux obsédés des caméras et des micros, tenons-nous en à ces principes : dialogue et respect. Il faut en finir avec les surenchères et toutes les violences. Est venu le temps de la sagesse.

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